HISTOIRE :
"Je ne vais pas le répéter plusieurs fois mais...Bouge ton petit cul s'il te plait."Une jeune femme très correctement vêtue s'approchait d'un adolescent devant les grilles du portail, quelque peu autoritaire, mais bien loin de porter l'air soucieux d'une étudiante parfaite. Les paroles qu'elle avait prononcé parlaient d'elle-même après tout. Lentement, le jeune homme devant la grille du portail avait entreprit de faire quelques pas en arrière, pour finalement laisser passer Arianne en rebroussant chemin.
Voilà qu'elle était désormais seule.
A mesure qu'elle marchait vers le chemin menant au bâtiment recherché, elle sentait la chaleur du Soleil taper contre sa peau. Aussi d'une main essuya-t-elle quelques gouttes de sueur qui ornaient son front, et une pétale qui s'était coincé dans ses cheveux avant qu'elle ne décide de venir au lycée. Il faisait chaud à Rome, mais pas suffisamment pour décourager cette enfant "gâtée" d'aller étudier en classe. Celle qui sortait peu d'une demeure que beaucoup de personnes contemplaient avec curiosité et avec dégoût.
C'était une fille de richou, une fausse italienne, alors elle était forcément une enfant gâtée. Insupportable. Voilà qu'en entrant dans la classe, les regards étaient virés sur un fantôme. Une personne qui ne venait que trop peu pour être véritablement considérer comme une élève régulière. Les cours particuliers aidaient parfois, et Arianne n'était pas connue pour être la femme la plus sociable du monde. Quant au professeur qui venait de commencer son cours depuis deux minutes, il continuait à la regarder quelque peu avant de détourner maladroitement son regard au tableau.
"Excusez-moi pour mon retard monsieur."Ô, excusez-la de tenter d'outrepasser ces regards-ci.
Après tout, qu'est-ce qu'il pouvait bien lui reprocher?
Chapitre 1 : Le temps des rosesUne jeune fille travaillait dans un jardin, observant pour la première fois une petite pousse de l'une de ces très jolies fleurs qui l'entouraient. La poussière entachait les joues de l'enfant, et les petits gants qu'elle avait pris lui donnait un air négligé. Les quelques pas ayant retentis derrière elle n'avaient pourtant pas fait mouche: ni une ni deux, la petite brune aux yeux turquoises et curieux s'était retournée.
"T'as vu grand-mère, je crois que la plante de Papa a poussé...Un peu!"D'une allure presque américaine, la vieille dame avait souri à la petite brune avant de poser une main sur son épaule. Lentement elle avait porté son regard sur les petits bourgeons qui se formaient avec compréhension. Sous un soupçon de tristesse.
Arianne avait passé ses premières années à Milan comme une enfant normale, avec une éducation somme toute normale également. Sa mère et son père étant ce qu'ils sont, la demoiselle s'était retrouvée aux alentours de Rome, ville capitale où vivait pourtant une femme plus apte à l'éduquer, bien loin des absences de son père, trop occupé dans son travail. Pour une personne qui contemplait correctement l'air de la fillette, elle trimbalait une aura plutôt triste, de celle qui dérange et qui n'incite pourtant pas à approfondir davantage le sujet. C'est une question "naturelle", biologique, pour une réponse tout aussi évidente. Elle n'était qu'un acte égoïste pour un couple facilement ébranlable. Ou peut-être bien le fruit d'un amour passionné pour les plus optimistes.
Riches ou pauvres, cela n'avait pas d'importance. Des couples fracturés, il y en avait des tas dans cette ville, de la plus modeste famille au foyer le plus grassement payé qui soit.
Arianne faisait partie de cette dernière catégorie. Pour son plus grand bonheur, elle n'avait pas connu les disputes qui avaient régit les années de mariage entre son père, Nolan Gardenchief et sa mère, Masha Gardenchief.
A quatre ans, elle ne gardait pas en mémoire le quotidien qui avait bercé cette vie remplie d'illusions, où l'on donnait multiples joujoux pour combler un cruel manque d'attention. Nolan avait cette fâcheuse manie de voyager régulièrement pour remplir ses affaires et les entretiens auprès des gros clients de sa boîte; n'était pas trader qui voulait après tout. Un short seller, pour être plus précis. Autrement dit, l'un de ces charognards des investissements. Et pour faire dans la vente à découvert, il fallait viser haut. Plus haut que ce triste hululement de chouette, vaste chant de mauvais augure, qui signifiait que cette bourse sacralisée tombait un peu plus à chaque répétition dans la salle de ces magiciens du placement. Non, ce qu'ils visaient, c'était ce bruit étouffé dont ils appréciaient tous pourtant le son. Comme un rictus bien étrange, euphorique pourtant. C'était excitant, et cela les mettait d'entrain, suffisamment pour s'échanger quelques remarques sympathiques et pour qu'un trader gueule avec entrain "Ouais!". Il s'agissait donc là de s'investir, mais également de sacrifier sa vie familiale.
Alors oui, Nolan Gardenchief en avait fait les frais. Et peut-être que le coup de grâce fut le fait que Masha disparut totalement de sa vie en laissant Arianne derrière, dans le foyer familial. Une honte qui ne lui donna pas véritablement l'amour escompté. Et d'aussi loin que la petite fille put se rappeler, les années en présence de cette grand-mère étaient probablement les plus stables qu'elle eut connu dans sa vie.
Voilà qu'elle s'était réfugiée chez cette vieille dame sous la demande de son père. Arianne était ici.
La vieille dame avait caressé les cheveux
"Une bien jolie fleur en effet..."
Seul présent de son père en l'état actuel des choses. Une rose aussi rouge que son sang pouvait l'être.
Chapitre 2 : La "coupure""Non, ça ne va pas. Vendez les actions pour cette entreprise." Le regard froid de son père s'était alors porté sur l'un des autres postes, en direction de l'un des derniers écrans de la salle.
"Mouais. Shortez-moi tout ça."C'était dans ce cadre-ci que Nolan travaillait.
Etait-ce réellement moral ? Rien n'était sans risque. C'était un jeu de pari et de vente pour lequel on ne redoutait pas de penser aux milles et une façon de voir une compagnie chuter drastiquement. Un jeu d'imagination pour ces charognards de l'investissement.
Couaaaaak. Le chant de mauvais augure recommençait à résonner à travers la salle.
Couaaaak. Rebelote. Mauvais pari. Un autre juron s'échappa doucement des lèvres de l'homme plus mûr d'âge. Son portable vibra soudainement dans sa poche. C'était sa fille.
"Papa! Je suis rentrée à Rome!"Il mit un instant à réfléchir, avant de poser mollement son regard sur son agenda, quelque peu enjoué mais fatigué la fois. Mais ce jour-là, il ne l'avait pas complètement oublié, pourtant son agenda n'avait pas menti.
"Ah...Oui bonne anniversaire. On le fêtera ce soir dès que je rentrerai Ari'."Et effectivement, il était revenu...Un peu trop tard, ce qui n'empêcha pourtant pas la jeune fille de le pardonner au lendemain matin, lorsqu'elle découvrit à son réveil un endroit dans lequel passer ses vacances en groupe. Se faire des amis, c'était du moins ce qu'elle pensait. N'allez pas croire qu'Arianne n'appréciait pas la nature déjà petite, c'était plutôt le contraire.
Ce petit rêve idyllique fut brisé bien rapidement, comme déchiré en mille morceaux très lentement. Ce camp-ci, rempli de bambins de tout âge, n'avait pourtant pas été de tout repos.
"Fille de richou". On ne l'avait pas épargné dans les surnoms, dès lors que l'un des moniteurs avait prononcé son nom de famille. Gardenchief.
Qu'avait-il donc de si différent?
"Fille de richou.""Ton père est un arnaqueur."Les paroles avaient été crû, si crû...Et pourtant tout s'était passée rapidement. Ou pas assez, car si l'instant avait été tétanisant, le reste de la semaine s'écoulait seconde par seconde comme des heures s'en seraient entassées en heure de cours. Alors la jeune fille n'avait pas attendu, et avait fini par fuguer. Elle voulait que tout cela s'arrête.
"Ton père est arnaqueur. Il sabote les vies."Arianne n'avait jamais fait attention aux papiers, ni même aux quelques appels qui attestaient déjà de quelques pots de vins glissés discrètement. Le cœur lourd, serré, la brune se rappelle avoir sangloté. Ses épaules tressautaient légèrement d'elle-même mais de ses yeux, il ne coulait pas une seule larme.
Une tristesse sans expression.
Chapitre 3: Tout vient à point à qui sait attendreArrivé au lycée, Arianne avait bien grandi. Pourtant guère enchantée à l'idée de continuer sa scolarité dans un tel endroit, elle ne s'était pas faite prier pour asseoir déjà ce qu'elle pensait des autres.
Et elle n'en pensait rien, effectivement.
Elle s'était jurée de ne plus rien ressentir, de ne pas montrer ses faiblesses, de ne pas se sentir touchée par les dires d'autrui. C'est le truc qui la bouffait trop rapidement, et la brune en avait conscience.
Bien vite, des mots semblables à ceux qu'elle avait pu entendre résonnèrent dans le lycée. Mais l'intensité en était bien moindre pour cette jeune fille qui passait le plus clair de son temps à terroriser certaines personnes. Parce que dans le fond, ça faisait du bien de terroriser les gens qui la jugeait par son nom.
Gardenchief. Et moins elle était sympa, plus les populaires l'appréciaient pour une forme de caractère déplorable, ainsi que d'un talent insolent dont elle faisait parfois preuve en escrime. A défaut de ne pas avoir eu d'amour, ce n'était pas l'argent qui lui manquait, et tout naturellement, les activités avaient suivi ses envies.
L'italienne était fortement amusée par cette considération qu'on lui donnait. Et puis, certaines personnes étaient peut-être bien différentes, et les avis divergeaient rapidement. Entre le professeur plus consciencieux et celui qui souriait sympathiquement, il y avait tout un monde.
Mais Arianne avait appris au cours de sa maigre vie qu'il ne fallait jamais se fier à ceux qui vous souriait. A quoi pensait-il, cet homme? Souriait-il d'une cinglante vérité ou se dépêchait-il de dissimuler son hypocrisie derrière un masque chaleureux?
Peut-être un peu des deux. Les enseignants étaient rarement complètement impartiales. Ils suffisaient de constater leur réactions vis-à-vis de ses absences, et de ces jours où elle ne venait qu'à la dernière minute pour un contrôlé placé tel ou tel jour.
Alors la brune ne venait pas souvent. A quoi bon, sa réputation était déjà toute faite, et elle travaillait mieux chez elle que dans cet endroit où elle pariait avec les populaires, mangeait avec les populaires, méprisait avec les populaires, s'amusait avec les populaires. Ces personnes lui avaient inculqué - pour ses peu de semaines passées ensemble- qu'à plusieurs l'on devenait intouchable. Et la jeune femme n'avait pas sa langue dans sa poche. Un nul était un nul, voilà tout.
Non pas que ce genre de lycéens était nécessairement de mauvaises personnes. Ils l'influençaient simplement dans un sens qui la rendait d'autant plus inaccessible, froide en apparence. Aucun effort ne provenait d'elle, si ce n'est pour travailler. Et encore. Arianne n'était pas nulle en cours, mais elle ramenait simplement des excellentes notes lorsque l'intérêt émergeait finalement le bout de son nez.
Aussi froide était-elle d'apparence, tout s'était toujours fait au feeling avec cette jeune fille.
Et puis il y avait eu cette fameuse affaire, celle qui avait éclaté le jour de ses 17 ans. Emancipation. Tribunal, contre son père. Du moins était-elle censée mener cela l'année de ses 19 ans. Hélas, Arianne avait décidé de venir un jour où le met principal servi à la cantine fut ses étranges raviolis.
Vicieuses petites pâtes.