HISTOIRE : Meryl est seule. Elle a toujours été seule. A l’école, elle était la vilaine bête noire que tout le monde fuyait. Ca l’embêtait, bien sûr… mais elle ne savait comment faire pour inverser cette tendance. Lorsqu’elle entra en deuxième année de gymnasium (lycée général), ses parents se résolurent à la déscolariser. Elle avait 11 ans. C’était trop dur pour eux de voir leur fille souffrir ainsi. Mais ça non plus, ça n’a pas aidé à inverser cette tendance. Ne voyant plus personne, elle s’est plus encore repliée sur elle-même, perdant totalement confiance en elle au passage. Et puis elle leur en a voulu, un peu. Pourtant, elle comprenait leur choix. Elle savait même que c’était pour son propre bien. Sauf qu’après ça, elle se sentait comme un boulet pour eux et elle s’imagina qu’eux aussi ne la considéraient pas franchement comme un véritable être humain.

Malgré ce départ de l’école, elle poursuivit ses études. Même, puisqu’elle n’avait plus que ça, elle se jeta à corps perdu dedans. Apprendre lui permettait d’oublier son quotidien et ce qu’elle était. Elle fit de surprenants progrès dans les matières scientifiques en particulier. Les formules physiques, surtout celles de l’électricité, étaient une révélation. Elles lui apparaissaient comme une seconde nature. A 14 ans, elle construisit même une petite éolienne dans le jardin de ses grands-parents.

« Papy, c’est très sérieux. S’il y a un black-out sur le réseau, tu pourras continuer à faire fonctionner ton compresseur, pour ton apnée du sommeil… Et surtout mamy pourra te faire son gratin dauphinois si le four fonctionne ! »

La biologie l’intéressait également. En fait, elle aimait comprendre ce qui faisait vivre le corps humain… et ce qui vieillissait pour entraîner la mort. Une dérive des airs gothiques qu’elle se donnait ? Meryl avait regardé le célèbre apprenti sorcier, comme tout le monde… Nicolas Flamel l’avait juste passionnée. Du coup, elle lisait aussi beaucoup de littérature jeunesse heroic fantasy, le tout traitant d’alchimie, de préférence.

Et puis un jour, elle prit son courage à deux mains. Elle devait retourner à l’école. Vraiment. Il fallait qu’elle voit d’autres gens. Ses parents ne le comprirent pas et la prièrent de réfléchir. Mais le lendemain, la jeune fille avait fugué. Elle se rendit fort innocemment au lycée, trahie par les coups d’œil qu’elle jetait de chaque côté. Elle cherchait ses marques, ne connaissant ni les lieux, ni les personnes qui l’entouraient. Tout de même, ses bottes noires compensées, qu’elle lançait rageusement en avant à chaque pas qu’elle faisait, trahissaient l’agressivité qu’elle portait en elle pour dissimuler son angoisse.

Incertaine, elle traînait dans les couloirs sans oser entrer dans une salle de cours. On ne la connaissait pas… On la renverrait directement chez ses parents… Jusqu’au moment où elle se fit attraper par une sorte de savant fou dont la tête lui évoquait vaguement quelque chose d’Albert Einstein.

« Hep ! En cours, jeune fille ! On ne déambule pas dans les couloirs ! »

Ainsi se retrouva-t-elle assise à côté d’un garçon de son âge, qui lui adressa un petit coup de coude suivi d’un sourire en coin. Selon lui, le vieux faisait régulièrement ça, attrapant des jeunes de classes différentes pour les intégrer à son cours de gré ou de force. Toute la classe semblait néanmoins accueillir Meryl avec une certaine bienveillance. Ca lui faisait tout drôle. C’était la première fois de sa vie.

Et puis vint le midi. Passage obligé à la cantine. Une assiette de raviolis des plus banales. Sa vie commençait à s’améliorer… Et voilà qu’on la lui foutait en l’air à nouveau.